La fin du droit au chômage en cas de démission

C'est un véritable séisme que nous n'avions pas vu venir en matière sociale.

Dans le cadre du vote de la loi "mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi", les députés ont instauré un amendement modifiant profondément le régime de l'abandon de poste :

Jusqu'à aujourd'hui :

Le salarié ne se rendant plus à son poste de travail était, après un ou deux courriers recommandés de mise en demeure de reprendre son poste , licencié pour faute grave et ses documents de fin de contrat lui étaient envoyés par lettre recommandée.

Il avait droit :

  • au bénéfice de l'indemnisation pôle emploi, plus communément appelé "chômage"

  • à la portabilité de la mutuelle

Demain :

Le salarié absent de son poste de travail pourra faire l'objet de ce qu'on pourrait appeler "une prise d'acte de la démission" de la part de l'employeur.

Il n'aura plus le droit à rien une fois la rupture de contrat de travail établie !

Le seul garde-fou dans le projet d'amendement est la possibilité de "saisir le conseil de prud'hommes" qui "statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine" dans le cas où le salarié souhaiterait contester la rupture de son contrat de travail.

C'était déjà le régime applicable à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de la part du salarié, mais ce délai d'un mois pour juger n'était jamais tenu, ce sera pareil ici.

Synthèse :

Tout le monde s'accordait bien à dire que le système actuel était loin d'être satisfaisant. En effet, en cas d'abandon de poste, le salarié n'avait aucune garantie d'être licencié rapidement et pouvait rester plusieurs mois sans ressources financières (pas de salaires et pas de chômage). C'est pour cette raison qu'à CSE CONNECT, nous déconseillions aux salariés de forcer une rupture de contrat de travail de cette manière.

Cependant, dans les grosses entreprises avec des process RH bien rôdés, c'était l'assurance de pouvoir banquer ses deux années de chômage à terme (trois années pour les plus de 55 ans). Dans une PME, c'était plus risqué, mais plus l'employeur attendait pour licencier, plus il se mettait à risque prud'homalement.

Pourquoi c'est une trahison ?

Dans le programme d'Emmanuel Macron, il était bien indiqué que chaque démissionnaire pourrait avoir droit au chômage. En fin de compte, cette promesse a été trahie et vidée de sa substance (voir notamment : Capital : pourquoi la promesse de Macron ne touchera quasimment personne). Aujourd'hui, le gouvernement fait pire que l'inverse en généralisant la démission et en ne la rendant toujours pas éligible au chômage.

De plus, c'est Marc Ferracci, fils de Pierre Ferracci, fondateur du puissant Groupe Alpha de conseil aux représentants du personnel, qui est aux manettes de cet amendement. Avouez que la situation ne manque pas d'ironie.

Quels impacts ?

En tant que représentants du personnel, vous avez un devoir moral d'information vis-à-vis des salariés de votre entreprise. Concrètement, à moins d'avoir un emploi derrière, l'abandon de poste n'est plus une bonne solution pour un salarié qui risque de se retrouver le bec dans l'eau.

A notre sens, ce nouveau régime va :

  • augmenter le nombre de ruptures conventionnelles

  • augmenter le nombre et la durée des arrêts maladies

  • n'avoir aucun impact sur le turn-over des entreprises

  • mettre fin au régime de la démission "claire et non équivoque" que la Cour de cassation exigeait

Un "décret d'application" est mentionné dans l'amendement, nous l'attendons avec impatience.